nebula beach

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Une partie du jardin publique de Tiergarten a été réquisitionné par l'association Club Transmediale pour y organiser le deuxième rendez vous électronique dominicale l'après midi et en plein air. L'événement annonce le début de l'été (et le début de l'ennui). Le parc grouille de jeunes gens branchés en bermuda et t-shirt aux motifs fleuris pour les garçons et en shorts en jean taille haute et lunettes de soleil pour les filles. Ils bougent leur tête au rythme du beat, lançant parfois une main en l'air et serrant les lèvres de satisfaction. Un groupe homogène danse devant la scène sur laquelle les djs d’ascendance ethnico-electronique se succèdent depuis une heure de l'après midi. Le thème de ce dimanche est ethnique et dépaysant. Et dans la musique passée par les djs, on peut entendre des sonorités éthiopiennes, vietnamiennes et colombiennes. C'est un mélange de tout, un mélange de culture. Certains se prélassent dans les transats apportés par l'association pour l'occasion, d'autres participent aux activités proposées dans les différents stands.
Esther s'y rend pour faire son « happening » hebdomadaire. Faire acte de présence dans l'un des endroits les plus branchés de la ville. Et puis rédiger un article sur son blog pour toutes les hipsters en herbe qui suivent avec assiduité ses publications. A plusieurs reprises, elle croise des jeunes filles au visage inconnu qui l'accostent amicalement, à qui elle répond avec des grands sourires, et dont elle connaît parfois le prénom. Elle leur demande où elles en sont dans leurs projets, et ses interlocutrices sont toujours étonnées de voir qu'esther se souvient si bien d'elles alors qu'elles ne se sont parlées qu'une ou deux fois via les commentaires du blog d'Esther, ou sur Facebook. Esther est très attentive à ses followers, et parfois elle leur propose des concours ou des jeux pour gagner des box dont l'inondent ses sponsors. Elle leur file des invitations à des soirées auxquelles on l'invite. C'est un grand buisness, et c'est une règle marketing de connaître un minimum ses fidèles pour assurer une fréquentation continue du site web. Avec ces handshakes et ces salutations, elle leur donne le sentiment de la connaître, d'être proche d'eux. Elle simule un sentiment de familiarité fallacieuse, comme elle sait si bien faire. Une familiarité tendre et froide à la fois. Parce qu'Esther a des difficultés à défaire cette impression qu'elle vient du froid polaire, cette image d'elle-même contre laquelle elle tente de lutter.
Derrière l'épaule de la fille avec qui elle est en train de discuter, elle voit Raj. Il parle avec vivacité au gars à qui il fait face, posant à deux reprises sa main sur le torse de son interlocuteur. Un geste mêlé de familiarité et d'énervement. Esther se détache petit à petit de la conversation qu'elle a entrepris avec Janna, une de ses fidèles followeuses. Elle écoute d'une oreille distraite ses déblatérations sur les beaux arts et sur l'organisation prochaine d'une exposition de ses œuvres dans une galerie d'art du quartier de Fredrichshain. Elle est absorbée par les gestes et la manière de se mouvoir de Raja, dont les traits sont étirés et les poings serrés. Sa soudaine contrariété le rend encore plus attirant aux yeux d'Esther. Elle savait qu'en venant ici, elle le croiserait à coup sûr. Depuis quelques semaines, elle choisit ses soirées en fonction du pourcentage de probabilité qu'il s'y trouve. Elle sait dorénavant quel est son label, et elle s'est empressée de les suivre sur leur page facebook, soundcloud et sur tous les autres réseaux existants. Depuis la dernière fois qu'elle l'a croisé, pendant laquelle il a montré deux trois signes à son égard et même un peu plus, elle a réfléchit à son désir pour lui. elle s'était dit que si elle se décidait à le consommer une fois peut être qu'il disparaîtra. Elle le voit dans l'arrière plan perdre son sang froid, et son corps tendu éveille davantage son envie de le posséder. Puis quand le coup part, elle ne peut s'empêcher de faire un pas vers lui. Quelqu'un lui dit se calmer, et son interlocuteur s'éloigne de l'homme au sang chaud. La voie est libre.
- J'essayerai de passer à ton vernissage, redis moi juste l'heure et le lieu par texto. Esther congédie la jeune fille comme si elles venaient de terminer leur entrevue. Elle la salue d'une main distraite, et se dirige vers Raja qui s'est assis dans le but de se calmer. Elle arrive près de lui avec son verre de jus d'abricot à la main pour parfaire son image de bobo berlinoise. Ce n'est sûrement pas le bon moment pour aller voir la bête, mais elle a cette image de lui tentant de contenir sa rage qui obsède ses esprits. - Salut ! Le choix de programmation est vraiment sympa, tes djs savent mettent l'ambiance. Elle s'assoit dans le siège à côté de lui sans y être invitée, et observe son visage fermé. - T'as l'air contrarié, ça va quand même ?

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Le sang aussi bouillant que les limbes tu te laisses tomber sur la pelouse. Les gens à proximité qui te braquent du regard comme si tu avais volé une poule t’énervent. Tu détestes te donner en spectacle. Jouant avec le cadran de ta montre tu ne remarques pas la grande tige qui vient de s’asseoir à côté de toi. C’est Estelle... Non, Esti... Esther avec son ton faussement cool et "moi-je-m’y-connais". Il y a quelques semaines à un showcase de Mad Dicky elle t’avait tapé dans l’oeil. Pour la nuit, t’avais toujours été attiré par les petites arrivistes de ton milieu, celles prêtes à se faire fourrer par le diable pour avoir un jour la chance d’être "reconnues", ne serait-ce que par un simple hochement de tête de l’ingé son. Elles te faisaient marrer, elles n’étaient pas mauvaises, mais tu les voyais venir avec leurs grands yeux tarte à la crème et leurs ongles manucurés pour enlacer des membres. Pour quelques heures tu leur donnais souvent un semblant d’importance. Tu n’avais qu’à leur faire un regard et leur soutien-gorge se dégraphait; ces filles là savaient comment s’y prendre et comment se laisser approcher. Esther avait été une de ces filles, du moins tu le pensais. Elle avait été ta proie pour une soirée. Ses petites manières de connasse à blesser t’avaient attiré, mais elle t’avait repoussé, elle avait joué les maniérées et vite tu avais jeté ton dévolu sur une autre fille. C’était le jeu.
La voir faire sa midinette à côté de toi t’agaces, non pas parce que tu es vexé de t’être fait remettre à ta place, simplement parce que l’intérêt qu’elle te portait sonnait faux. Tu ne prends pas la peine de tourner ton regard vers elle et lance. C’est pas de ton essor princesse. d’un ton cassant. S’en suit un long silence. Au fond de toi, tu espères qu’elle le prendra mal et qu’elle se tirera. Au moins tu pourras tranquillement aller couler des douilles avec Sassy et Loris.

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Elle se relève aussi rapidement qu'elle s'était assise. Et lui lance un de ses regards glaciales, même s'il daigne la regarder. Je ne suis pas ce genre de fille avec qui utiliser ce genre de surnom, lui balance-t-elle d'un ton sec et aride. Elle n'est pas ce genre de fille tout court. Son demi tour pue la contrariété, et Raj peut se régaler d'avoir en premier plan son cul plat comme une planche à pain qu'elle essaye tant bien que mal de regonfler à base d'exercices d'aérobic. Elle se sent conne d'avoir été se frotter à ce gars comme toutes les midinettes qui doivent lui faire les yeux doux et courber bas l'échine. Elle en a presque honte, et sent ses joues s'enflammer sous la colère de s'être fait si vite rembarrée. Esther n'apprécie guère qu'on lui dise non, elle n'aime pas qu'on lui refuse quelque chose, qu'on lui passe sous le nez. Elle n'aime pas les défaites, comme celle ci. Parce que Raj, en choisissant de ne pas poser sur regard sur elle et de la chasser comme l'on chasse une mouche, a lancé l'offensive. Et ce n'est évidemment pas une bombe mineur comme il vient de projeter qui l'arrêtera. Au contraire, Raj, avec ce missile, a attisé le désir d'Esther de le faire flancher. Peut être que ce moment n'était pas le bon, alors, elle s'éloigne, et attendra qu'il revienne vers elle avec plus de vigueur.
Esther a décidé qu'elle le voulait, et elle l'aura mort ou vivant.

Trois heures plus tard.
Le soleil tombe derrière les grands arbres du parc, et la pénombre plonge la foule dans une ambiance tamisée, chaleureuse. Esther vient de quitter le petit groupe avec qui elle était en train de discuter depuis plus d'une heure. Elle a écouté la musique avec une oreille un peu distraite, n'étant pas particulièrement passionnée par ce genre de rythmique. Ce qui l'intéresse dans ce type d'événement, c'est d'aller discuter avec les personnes qu'elle connaît ou non. Elle n'était très fondu des beats lancinants qui se succèdent depuis plusieurs heures, elle y a juste pris goût en habituant son oreille à en écouter. Elle n'en raffole pas, n'en ferait pas une addiction. La remarque lancée à Raj tout à l'heure était très superficielle, puisqu'elle n'y connaît rien de ce milieu. Elle aurait du rester à sa place, entre les lignes et les quadrillages, dans la perspective de plan Q. Ce n'était pas judicieux de sa part, trop facile. Elle n'avait pas aperçu Raj depuis qu'elle s'était éloignée de lui, énervée. Tant pis, elle le croiserait sûrement une prochaine fois. Ce soir, c'est foutu. Il semblait sur les nerfs, outrageusement irrité. Et pourtant, c'était ce visage tiré, prêt à exploser, qui l'attirait chez lui.
Elle se dirige vers le bar, et demande au serveur, un verre de kir cassis, qu'il lui verse dans un gobelet éco responsable. Esther et son éternelle verre de blanc.

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