Les journées ne sont pas longues, ni courtes, mais elles se ressemblent toutes. Un gros brouhaha, toujours les mêmes ruelles, l’odeur qui donne des hauts les coeurs, et son gilet orange fluo. Une routine, il le comprend, qui est en train de devenir, ce que le commun des mortels appellent "une vie". Il n'aurait jamais imaginé que vivre ce soit quelques choses dans ce gout là. Lui il n'a jamais cherché à vivre, juste à exister. Vivre c'est différent, c’est fatiguant. Là, il aimerait juste rentrer chez lui, fermer les fenêtres et dormir. Il sait qu’il a peu de chance que ça se passe comme ça, et il a raison. Assis sur les marches, il remarque la petite tête qu’il attendait avec (plus ou moins) d’impatience. Il aurait dû parier.
Quand le gamin relève la tête vers lui, Mykola laisse un tout petit rire s’échappe de ses lèvres.
- fais pas cette tête, j’ai seulement vingt minutes de retard.
Il ne l’a pas fait exprès. En fait si, un peu peut-être. Mais ce n’est pas de sa faute, un peu celle de Tillo, à “cause” de lui, il doit prendre sa douche au travail, et c’est là qu’il a traîné, aujourd’hui plus que d’habitude (mais ça il ne sait pas pourquoi).
Il fait plein de chose à “cause” de Tillo, il s’en rend compte tout doucement ; acheter des rideaux (pas encore montés) à mettre à sa fenêtre, vérifier sa porte d’entrée (effacer la craie), prendre sa douche au travail, laisser ses affaires dans la voiture, sortir un peu de chez lui, ranger sa maison, laisser entrer quelqu’un (Tillo). C’est beaucoup de changement ça dans les choses qu’il ne faisait pas avant, pour seulement une personne.
Pour seulement Tillo.
Il tourne quand même la clé, il a attendu longtemps, il mérite au moins de rentrer, même si Mykola sait qu’il devra encore se répéter, tenter de briser les rêves qu’il se créait. Ce n’est jamais très amusant, même pour lui. Il ouvre grand la porte, le laisse entrer, ferme derrière lui.
- alors, qu’est-ce que tu veux cette fois-ci ?